Tribune publiée dans l’Humanité : Les citoyens et la politique. Pour une nouvelle République

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Écouter les citoyens et reprendre le contrôle du système politique : une nouvelle Constitution pour la République est nécessaire

Lire la publication, version courte, sur le site de l’Humanité.

Nous vivons un moment historiqueles citoyens se mobilisent pour exprimer des demandes politiques et revendiquent d’être associés. C’est une bonne nouvelle en soi. Cela l’est d’autant plus pour nous, Les Radicaux de Gauche, qui avons entrepris de décaper, sans concession et avec imagination, nos valeurs, notre programme et nos propositions.

Nous vivons un moment dangereuxnos repères sont chahutés : une cagnotte pour un casseur, un Ministre de la République qui semble appeler à tirer sur la foule, un populisme complaisant et le retour des débats sur la peine de mort, le mariage pour tous et le droit des femmes ! La République est donc en question et notre responsabilité collective est grande.

Nous vivons un moment de rupture car la fracture entre gouvernants et gouvernés est béante et traduit une République qui doit être repensée. En effet, le système représentatif est contesté en soi et les citoyens demandent davantage de consultations, davantage de contrôle et de comptes rendus des élus. Au-delà, c’est une remise à plat politique qui semble nécessaire alors même que l’élection présidentielle est encore récente.

Face à cette demande de transformation en profondeur, les réponses doivent être à la hauteur. Il ne s’agit pas de superposer les rustines mais de changer de modèle, littéralement. Il nous faut inventer de nouveaux leviers pour restaurer la promesse républicaine. Pour cela, il faut revoir les équilibres institutionnels donc revoir notre Constitution qui est aujourd’hui affaiblie. Compte tenu de l’ampleur des demandes et des changements, c’est une nouvelle Constitution qui s’impose.

Écouter les citoyens

Les citoyens sont clairs dans leurs demandes : participation démocratique, fiscalité, conditions sociales, répartition des richesses. Il faut écouter les classes populaires qui ont des revendications verticales et ne pas organiser des clivages verticaux nouveaux montant les uns contre les autres.

Ce n’est pas le « grand » débat mené derrière un écran avec une méthode dont l’indépendance est aussi contestable que les conclusions en sont connues qui permettra de surmonter ce cap. Ce n’est pas le tour de France du Président devant un parterre d’élus choisis, sur des thématiques biaisées, des questions réduites et dans des villes vidées pour l’occasion qui y contribuera, au contraire et chacun a d’ores et déjà bien noté que cela s’apparente à une nouvelle campagne électorale… 4 mois avant le scrutin européen. Au contraire, c’est ne rien comprendre à la demande d’expression, de considération et au sentiment de déclassement.

En cela, la pensée « complexe » de la majorité présidentielle est plutôt simple car elle tend à décrédibiliser tous ceux qui pensent différemment au motif qu’ils ne comprendraient pas. Elle est violente car elle impose des sens uniques et envoie des signes de mépris. Elle est spoliatrice de l’expression citoyenne car elle tente de l’instrumentaliser et de la cadenasser par un débat institutionnel qui la diluera et dont il résultera la validation de la dégradation des services publics et les cadeaux fiscaux, par exemple. Elle est dangereuse car elle amalgame laïcité et immigration en les enfouissant au dernier moment dans cet exercice.

Des États généraux seraient les bienvenus pour revenir à l’esprit révolutionnaire qui a permis les premières avancées en matière de libertés publiques, de solidarité nationale avec les droits inhérents à la personne humaine (« droits de ») pour l’essentiel des droits civils et politiques. Ajoutons-y les engagements pris au sortir de la 2ème guerre mondiale pour rebâtir la France avec le programme solidariste du Conseil national de la Résistance. Nous, radicaux de gauche, y sommes particulièrement attachés, nous les plaçons toujours au cœur de notre ADN. Quand on relit ces documents, il est frappant de constater leur grande actualité :

  • la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
  • la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances de l’argent et des influences étrangères ;
  • la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
  • l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
  • le respect de la personne humaine ;
  • l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.
  • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’aménagement du régime contractuel du travail ;
  • un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ;
  • une retraite permettant aux vieux travailleurs et à celles et ceux qui se sont occupé de leur famille de finir dignement leurs jours.

Reprendre le contrôle du système politique

Revoyons les équilibres entre nos institutions pour rendre la représentation des citoyens effective et pour rétablir un équilibre entre les pouvoirs. Cela implique un travail en profondeur, notamment sur les volets suivants :

  • se donner des élus en phase avec la société dans toute sa diversité (pas seulement des experts, des multi-élus concentrant les pouvoirs) ce qui suppose de revoir les mécanismes de représentation et de réfléchir au statut de l’élu, aux règles de cumul, de transparence etc.,
  • revoir le statut et les pouvoirs du Président de la République (notamment de dissoudre l’Assemblée), la durée de son mandat (retour à 7 ans ?),
  • réaffirmer la place des parlementaires pour la renforcer avec une dose de proportionnalité, peut-être moins de parlementaires, des mandats moins nombreux et un calendrier leur permettant d’exercer un véritable contre-pouvoir (l’affaire Benalla a montré les limites de l’Assemblée, par exemple),
  • renforcer la séparation des pouvoirs, base d’un régime démocratique,
  • intégrer un mode de consultation des citoyens entre les élections, par exemple par voie de référendum en définissant les sujets susceptibles d’être mis ainsi en consultation (par exemple l’approbation des traités européens mais pas les libertés fondamentales) et leur organisation pour éviter les instrumentalisations et tentations plébiscitaires,
    organiser l’accès universel aux services publics et revoir l’organisation territoriale,
    étoffer les libertés fondamentales pour tirer les leçons des affrontements entre journalistes, citoyens en colère et forces de l’ordre et sanctionner des violences inadmissibles,
  • élargir le triptyque républicain « liberté, égalité, fraternité » à la laïcité.

Une nouvelle Constitution pour une République

L’intérêt général et l’humanisme sont le cœur du pacte démocratique, la République doit rester une, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Il ne s’agit donc pas uniquement de nettoyer le cadre des nos institutions.

Revoyons aussi la fiscalité avec le symbole de l’ISF mais également la refonte de l’impôt sur le revenu pour une meilleure progressivité, la TVA pour alléger le prix des produits de consommation de base et soyons intransigeants avec la fraude et l’évasion fiscales. Il y va de notre pacte républicain et les constituants successifs depuis 1789 ne s’y sont pas trompés en exigeant que les impôts soient consentis par les citoyens (ou leurs représentants) et en rendant l’impôt obligatoire « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration » avec une égale répartition entre les citoyens en fonction de leurs capacités (articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen). Les questions financières et fiscales ont été essentielles dans la Révolution française, elles ont également constitué le point de départ du mouvement populaire de contestation actuelle : aussi, il faut analyser le parallèle entre les doléances de cette période et celles qui s’expriment sur les ronds-points, dans les rues depuis cet hiver.

Organisons une grande conférence sociale sur la retraite, les salaires, les conditions d’emploi et les transformations du salariat, l’impact du numérique et ce que signifie le revenu de base. Cela est également en lien avec les Constitutions françaises successives, notamment le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui prévoit que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi» et que « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » (article 5). Ces droits sociaux, c’est-à-dire nécessitant une action positive de la collectivité (« droits à ») comprennent depuis 1946 la protection de la santé, la gratuité de l’enseignement public. Ils doivent être complétés aujourd’hui et réaffirmés, concrètement.

Une nouvelle Constitution c’est également l’inscription d’engagements écologiques plus contraignants et intégrant les nouvelles avancées scientifiques, éthiques etc. car tout le monde voit bien que nos ressources naturelles sont comptées, qu’on ne peut plus consommer de manière débridée et que certains environnements sont toxiques pour ceux qui y habitent ou y travaillent. La Charte de l’environnement de 2004, intégrée dans l’actuelle Constitution, consacre ces nouveaux droits (des droits « pour ») qu’ils soient collectifs (le pollueur doit être le payeur, article 4) ou individuels (vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, droit à l’information, articles 1er et 7). Ils visent les droits de générations futures et doivent également être complétés et réaffirmés.

C’est de tout cela dont il faut rapidement débattre pour reprendre le contrôle d’un système politique jugé inefficace et coupé des citoyens et remédier au délitement du pacte républicain que nous constatons samedi après samedi. Il y a urgence et, en cas d’échec, il n’y a pas de plan de secours.